Un outil authentique

Trafiquer des articles Wikipedia pour piéger les élèves. Stalker les étudiants et en afficher les « mauvaises pratiques ». C’est à contre-courant de ces postures que j’oriente le module d’Education aux Médias et à l’Information (EMI).

Mon approche : former à un esprit critique à partir d’expériences authentiques. J’ai construit en ce sens la première activité que les élèves de cinquième mènent. Ils découvrent la notion d’identité numérique à partir d’un outil spécifique adapté à leurs besoins, le moteur de recherche de personnes Webmii.

Offrant un éventail d’optiques

Risqué ? L’enseignant doit faire preuve d’un certain lâcher-prise pour aborder sereinement un homonyme aux activités en ligne douteuses par exemple. Mais l’enjeu éducatif est encore plus large.

L’éventail des axes du programme EMI (BO spécial n°11 du 26/11/2015) est un défi : «faire accéder (…) à une compréhension des médias, des réseaux (…) dans toutes leurs dimensions : économique, sociétale, technique, éthique. ». Le lien est fort entre terrain et recherche. En effet, ces quatre domaines se retrouvent dans les travaux de Louise Merzeau (2009) ¹, chercheuse spécialisée sur la question de l’identité numérique.

Proposant une simplicité technique

L’utilisation de Webmii s’avère simple comme … Google. Et c’est heureux. Les élèves n’ont qu’une demie heure, en binôme, pour compléter un tableau sur une célébrité à partir d’informations collectées grâce à ce moteur de recherche.

La première partie de l’heure est consacrée à la construction de ce tableau de collecte, à partir d’échanges sur les différents aspects de l’identité. Les élèves testent ensuite leurs propres identités numériques avec Webmii, en préparation de notre prochain rendez-vous. Il me semble en effet important travailler en présentiel, au moins pour la deuxième partie de cette séquence.

Dans une médiation pour et par le numérique

La deuxième heure est en effet un défi, plus grand encore en l’envisageant à distance. Le but étant de dépasser la simplicité d’utilisation de Webmii afin de questionner les enjeux techniques, économiques, sociétaux et éthiques de l’identité numérique à travers :

• la dépendance à Google, son indexation étant basée sur le Google Programmable Search Engine;

• la validation d’une source en questionnant son but donc sa dimension éthique ;

• les traces, qu’elles soient volontaires ou subies ;

• la question sociétale d’espaces privés et publics ;

•  les scores proposés sur l’interface de résultats…

Cette liste n’est pas exhaustive. Dans la pyramide pédagogique (Poisson, 2011)², il s’agit ici de former avant tout à et par une ressource. L’enseignant se place alors en médiateur vers les savoirs. 

Dans le cas de l’identité numérique, les connaissances sont in fine fonction de chacun. D’où une activité finale personnalisée : les élèves produisent un autoportrait numérique à partir de leur expérience de Webmii et des prolongements apportés.

Bilan critique

Se réfèrant au modèle SAMR de Puentedura (2006) ³, travailler sur l’identité numérique via un moteur de recherche de personnes redéfinit totalement l’approche enseignante. C’est spécifiquement l’existence d’une vie numérique qui crée le besoin. 

Cette activité, toute adaptée qu’elle soit, ne saurait être un apprentissage en soi. Elle sera en revanche une graine semée pour une maîtrise plus grande de « qui je suis sur le Web ?», mais aussi une approche critique des outils numériques. Prochaine étape ? Explorons Google !

1 – Merzeau, L. (2009). Présence numérique : les médiations de l’identité. Les Enjeux de l’information et de la communication. 2009/1, 79-91

2 – Poisson, D. (2011). Usages des TICE et perspectives d’une ingénierie des dispositifs à visée autonomisante. In Barbot, M-J et Massou, L (dir.). TIC et métiers de l’enseignement supérieur : émergences, transformations. Nancy : Presses universitaires de Nancy. 83-97

3 – Ruben Puentedura, R. (2006) SAMR – A Research Perspective.